Ombre de mon passé. Mais ici les souvenirs (entrecroisés avec le présent) sont autant que des moments émotionnels, des étapes de connaissance de soi. C’est ainsi que s’est élaborée ma gnose personnelle de la femme gynandre. En même temps ma nature, dite « contre nature » (mais existe-t-il quelque chose dans la nature qui ne soit pas elle ?) se révélait à elle-même. La « différence » a toujours une raison. Il ne s’agit donc ni de la refouler, ni d’en avoir honte, mais au contraire de s’enrichir de tout ce qu’elle peut apporter de spécial et de nouveau. J’ai chanté la mienne à travers ma poésie depuis toujours. Mais la poésie, troisième dimension du verbe, garde ses non-dits, ses énigmes… L’ombre ardente de ce livre déchire le voile, met mon âme à nu.
Feu la romancière Hélène Champvent, qui m’accueillit dans son amitié, après mes deux premiers recueils, me disait : « Pierrette, de cette chose affreuse (affreuse ? alors qu’elle m’était un privilège !) vous en faites et vous continuerez sûrement d’en faire quelque chose de beau et de grand » …
Je n’ai pas dévié de la voie tracée par mon inspiration, allant toujours plus avant dans les dédales de ma mémoire cosmique. « J’annonce une humanité nouvelle, projetée dans ma conscience, une humanité gynandre où la femme concevra sans la participation de l’homme ; elle aura tout en elle, à l’intérieur d’elle. »
Privilège – ai-je dit – concernant la nature. Pour quel mérite ? Je m’interroge à travers mes amours enfantines. J’en recevrai la réponse plus tard. Chacun de ces moments me permet « la clandestinité divine ». Ombre de passion, ombre au-delà des normes pour une réalité de vivifiante exigence.
Pierrette Micheloud