Michel Darbellay
artiste-photographeDans plusieurs interviews, Michel Darbellay explique être
tombé dans la profession par un
« heureux hasard », celui de sa naissance en
1936, dans une famille à la fibre artistique. Son père Oscar Darbellay est photographe professionnel à
Martigny et musicien accompli, tandis que sa mère Jeannette gère la succursale
du magasin à Champex. Ses racines, il les puise également dans son « pays », le
Valais et ses montagnes, deuxième passion familiale. C’est d’ailleurs dans les
alentours de Champex, au coeur des Alpes, que Michel fait ses premiers essais
photos avec un Kodak que sa mère lui sort de la vitrine.
Dans la cordée familiale : accroché au métier, accroché au pays
Adulte, il se lance dans le métier de photographe, d’abord en soutenant son père dans sa production de cartes postales, puis en s’installant comme indépendant à Martigny en 1959. Au début de sa carrière, il perçoit la photographie essentiellement comme une activité lucrative, l’alpinisme étant alors sa véritable passion. Pour s’en approcher, il obtient en 1966 le brevet de guide de montagne, un an plus tard celui de professeur de ski. Cette double-vocation l’habite tout au long de son parcours professionnel, une passion prolongeant l’autre. A la même époque, Michel Darbellay met un pied dans le cinéma, une activité qu’il exerce pendant vingt-cinq ans avec succès : ses documentaires et films publicitaires sont plusieurs fois récompensés en Suisse et à l’étranger.
Le hasard faisant bien les choses, le métier appris dans un souci de continuité familiale se transforme en carrière florissante. Editeur de cartes postales, ambassadrices du Valais dans le monde entier, Michel Darbellay développe une impressionnante connaissance du terrain, de sa lumière. Proche des gens, il réalise des milliers de portraits en studio, entrant même dans l’intimité des familles valaisannes à l’occasion des rites et des fêtes qui ponctuent la vie. Il collabore aussi avec des entreprises régionales d’importance, mandaté parfois pour suivre des chantiers de longue haleine, comme la construction du barrage d’Emosson. Il effectue également les images de campagnes publicitaires.
Certaines de ses photographies entrent dans l’inconscient collectif valaisan: une baigneuse sous une cascade, les panoramas alpins du TCS, des traces laissées par des skieurs godillant dans la neige poudreuse à Verbier.
L’art d’écrire la lumière
Parallèlement à ses activités commerciales, Michel Darbellay est aussi ce qu’il appelle un « artisanphotographe ». Il promène son appareil dans tous ses déplacements, à la manière du crayon que le poète garde toujours à portée de main. Photographier est sa manière d’écrire, avant tout sur son pays, jouant avec la lumière comme certains joueraient avec les mots.
Chaque image trouve son origine dans le regard que le photographe pose sur le monde qui l’entoure. « Je tente d’être le plus près possible de ma conscience en écoutant et en regardant ce qui se passe autour de moi. C’est pour cela que j’aimerais garder mes yeux de douze ans, mes yeux émerveillés. » C’est ainsi qu’en 1983, il redécouvre dans sa ville natale, « un pays d’un exotisme délirant » qu’il donne à voir dans « Le chuchotement des platanes ».
Michel Darbellay célèbre son pays dans son entier et il l’exprime à travers cette réflexion de Paul Klee : « La photo ne peut certes pas montrer ce qui est abstrait, mais elle peut faire voir du concret plus de choses que nous n’en percevrions sans elle. » Ses clichés mettent en évidence la beauté insoupçonnée de l’anodin : les poteaux électriques qui s’élèvent fièrement dans la plaine, comme des croix cherchant à rivaliser avec les sommets, leurs fils d’or au coucher du soleil, le dessin géométrique des vignes en terrasse accrochées au coteau, la ligne à la fois élégante et symbolique du pont qui relie deux vallées...
Dans l’oeuvre de Michel Darbellay transparaît sa passion du Valais, sa véritable muse. « Notre canton avec sa nature, son caractère et son climat est générateur de grandes impulsions artistiques. Pensez aux Ramuz, Rilke, Bille et autres Messerli venus chercher l’inspiration sous nos ciels de foehn exacerbant ! »
Et toujours, la lumière joue un rôle de catalyseur. Elle transforme les couleurs, illumine les visages, bouleverse les atmosphères. Elle sublime le banal. Le singulier éclat d’un instant se révèle selon les heures du jour ou de la nuit, les saisons et les caprices du ciel. Crépuscules enflammés, froid bleuté d’un matin d’hiver ou chambard des jours de foehn donnent au pays ses teintes changeantes. Michel Darbellay saisit et immortalise la fugacité de ces moments. Ses photographies témoignent de sa sensibilité et de son sens de l’esthétique. Artiste-photographe, il donne à voir des images puissantes, par leur sujet et leur beauté.
Michel Darbellay capte les nuances, il écrit la lumière.
Alexia Rey
Romaine Valterio Barras