De tout temps les sociétés ont porté un soin particulier à l'enterrement des morts. Or, si des études et des films nous ont habitués à l'exotisme sacré des autres civilisations, peu de recherches ont été faites dans notre pays. Serait-ce parce que le rituel funéraire est moins spectaculaire chez nous ou simplement qu'il est quelque part si proche qu'il mérite discrétion ? Pourtant affronter la mort et se séparer de ses défunts appelle ici, tout comme ailleurs, des gestes individuels et collectifs dans lesquels les hommes se reconnaissent. Ils pleurent et souffrent ensemble, mais ils rient aussi pour exorciser l'angoisse et cela se mange, se boit et... se fête. Cet ouvrage explique et analyse le rituel funéraire et les repas d'enterrement dans la vallée valaisanne, catholique d'Anniviers et dans la vallée vaudoise, protestante des Ormonts. Dans des confessions différentes, ces communautés ont su faire face au malheur et à la mort. Anniviards et Ormonans ont offert des nourritures particulières aux parents et villageois obligatoirement conviés au repas d'enterrement. La dépense dépassait parfois les avoirs familiaux mais personne n'aurait osé faire à moins. D'ailleurs la famille souhaitait pouvoir dire : « Il a eu un bel enterrement !» Cela explique les nombreuses réprimandes, interdictions et condamnations qu'au cours des siècles les autorités ont fait peser sur les repas des funérailles. Cependant, malgré les mises en garde que curés et pasteurs prononçaient du haut de la chaire, les repas d'enterrement ont traversé le temps au mépris des interdits jusqu'au moment où, à la montagne comme à la ville, la société moderne a unifié les comportements et les mentalités reléguant au musée des « archaïsmes », des pratiques venues du fond de la tradition. A travers le rituel funéraire et les repas d'enterrement, ce livre porte témoignage sur la force de la culture populaire dans nos sociétés rurales et sur les moyens que s'étaient donnés les communautés ancestrales pour assurer leur existence face à la mort et face au pouvoir.